mercredi 24 octobre 2012

Conclusion



Conclusion

Parvenus au terme de ce bref parcours à travers les quatre constitutions du Concile Vatican II, il est maintenant temps de ressaisir, autant que cela est possible, les intuitions et les orientations majeures de cet enseignement d’une manière synthétique. En relisant et en étudiant ces documents, j’ai été frappé par la richesse doctrinale qui est la leur mais plus encore par la cohérence de la pensée dont ils témoignent. C’est l’occasion de revenir un instant aux confidences du pape Paul VI à Jean Guitton sur le mystère du Concile. Cette cohérence de la pensée est le fruit d’une unanimité miraculeuse qui ne saurait s’expliquer sans une action explicite de l’Esprit Saint au cœur des débats conciliaires : « Lorsqu’un évêque parlait, il avait l’obligation de dire son avis, son point de vue ; lorsque l’évêque votait, son devoir était autre : il devait entendre en lui la pensée de l’Esprit. C’est là qu’on voit la différence de l’humain et du divin[1]. » Un historien qui voudrait rendre compte du Concile Vatican II en ignorant son caractère essentiellement religieux et spirituel tomberait inévitablement dans une lecture politique. Il parlerait de la lutte entre le clan « conservateur », minoritaire, et le clan « progressiste » comme si le Concile pouvait se comparer à un parlement démocratique. L’unanimité finale des 2381 pères conciliaires ne saurait être le résultat de manœuvres politiciennes. Le Concile n’a pas été une assemblée animée par des considérations partisanes. Paul VI, se référant à l’unanimité des participants, à un « Concile réconcilié », récuse cette lecture purement humaine d’un événement fondamentalement surnaturel : « Il est parfois question, à propos du Concile, de vainqueurs et de vaincus. Mais si l’on est vaincu par une vérité ou un aspect de vérité que l’on n’avait pas encore perçus, je dis qu’on est vainqueur. On ne devrait pas chercher à vaincre son interlocuteur, mais à le convaincre. D’une saine et sainte discussion, il ne sort pas un ‘maître’ et un ‘esclave’ … mais deux serviteurs de la vérité[2]. » A l’issue du Concile le seul « vainqueur » a donc été l’Esprit Saint, celui promis par le Seigneur Jésus à ses disciples : « Quand il viendra l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité totale » (Jean 16, 13). Dans la continuité de la Tradition vivante de l’Eglise, Vatican II a permis aux catholiques de progresser sur ce chemin qui conduit les croyants vers la plénitude de la vérité. C’est la raison pour laquelle les intuitions et les orientations du Concile constituent pour les catholiques du 21e siècle « une boussole fiable » (Jean-Paul II).

Je propose pour chacune des constitutions de mettre en lumière quelques convictions qui me semblent particulièrement importantes en cette année du 50e anniversaire. Je suis bien conscient de faire un choix de la même manière que j’ai dû faire des choix pour présenter les quatre constitutions.

La constitution dogmatique sur l’Eglise

Pendant très longtemps et encore en partie aujourd’hui l’Eglise catholique a été confondue avec la hiérarchie de l’Eglise, c’est-à-dire le pape et les évêques en communion avec lui. En présentant l’Eglise comme peuple de Dieu, le Concile a voulu donner une définition plus juste de la réalité ecclésiale. L’Eglise ce n’est donc pas seulement le magistère (l’Eglise qui enseigne) mais aussi l’ensemble des baptisés. Ce qui est fondamental dans l’Eglise ce sont les sacrements de baptême et de confirmation qui font des hommes et des femmes appelés à la foi des fils et des filles de Dieu ainsi que la vocation de tous à la sainteté. En insistant sur la dignité des laïcs dans l’Eglise ainsi que sur leur mission propre en raison du sacerdoce baptismal, Vatican II nous a rappelé le caractère fraternel de la communauté chrétienne et par conséquent l’égale dignité qui existe entre tous les chrétiens, qu’ils soient laïcs, religieux ou membres de la hiérarchie[3]. Lumen Gentium a aussi remis en valeur le ministère fondamental de l’évêque dans l’Eglise, et par conséquent l’importance de l’Eglise particulière ou diocèse. Etre membre de la hiérarchie ecclésiastique, c’est recevoir une charge qui doit se vivre dans un esprit de service et en donnant l’exemple[4]. L’autorité sacrée de l’épiscopat est avant tout celle de l’exemple. Et cette autorité s’exerce pour le bien du peuple de Dieu tout entier dans le cadre d’un collège épiscopal : l’ensemble des évêques en communion entre eux et avec le pape. La redécouverte de la collégialité épiscopale traduit concrètement pour l’Eglise le principe de subsidiarité[5], principe fondamental de sa doctrine sociale. Les conférences épiscopales et les synodes[6] sont des expressions privilégiées de la collégialité. Tout en affirmant la primauté du pape au service de l’unité et de la communion, le Concile donne les moyens à l’Eglise d’un exercice équilibré de l’autorité hiérarchique. Un centralisme excessif du gouvernement de l’Eglise[7] ne correspond pas à son identité profonde et peut entraver la vitalité du peuple de Dieu. L’autorité suprême du pape n’écrase pas celle des évêques. Au contraire elle la garantit. La conception du mystère de l’Eglise comme sacrement et comme peuple de Dieu situe les relations entres les membres de l’Eglise à leur juste place : relations entre les laïcs et la hiérarchie (obéissance chrétienne et participation[8]), relations à l’intérieur de la hiérarchie entre les évêques et le pape (communion et subsidiarité)[9]. Sans oublier bien sûr que le Pasteur suprême de l’Eglise ce n’est pas d’abord le pape mais le Christ Seigneur lui-même. On a souvent dit, avec raison, que la structure de l’Eglise catholique n’est pas celle d’une démocratie. Il faut immédiatement ajouter que la fonction pastorale du pape et des évêques ne saurait être assimilée à l’exercice d’une dictature ou d’un pouvoir arbitraire. La constitution qui régit la vie de l’Eglise c’est l’Evangile du Seigneur Jésus, et tous dans l’Eglise, qu’ils soient laïcs, religieux ou clercs, doivent s’y soumettre et s’y référer en permanence. Lumen Gentium insiste sur le fait que l’Eglise, réalité à la fois visible et spirituelle, est en pèlerinage sur cette terre, en marche vers le Royaume de Dieu. Le peuple de Dieu est en marche, ses membres sont en exil ici-bas. Ce caractère eschatologique de l’Eglise a pour conséquence qu’elle met sa confiance en Dieu seul. La seule force de l’Eglise est celle du Seigneur ressuscité. C’est par la foi et la charité effectivement vécues de ses membres qu’elle peut apporter au monde contemporain le salut divin et la lumière de la révélation. C’est la raison pour laquelle elle doit résister à la tentation de s’appuyer sur une souveraineté extérieure à la sienne ainsi que sur des moyens purement humains pour accomplir sa mission[10]. Mettant ses pas dans ceux de son divin Maître, l’Eglise cultive en elle l’abnégation et l’humilité, éloignée de tout attrait pour la gloire de ce monde et l’ambition terrestre. « L’esprit de pauvreté et de charité est, en effet, la gloire et le signe de l’Eglise du Christ » (Gaudium et Spes 88,1). L’Eglise est sainte même si ses membres sont pécheurs. Elle est sans cesse appelée à se purifier. Pour répondre à la réforme protestante du 16e siècle, le Concile de Trente n’a pas seulement rappelé la doctrine catholique. Il a aussi donné des orientations pastorales pour promouvoir la réforme catholique de l’Eglise en commençant par celle du clergé (création des séminaires, devoir de résidence des évêques etc.). Constatant l’effondrement de la chrétienté et l’expansion  de l’athéisme et de l’indifférence religieuse, le Concile Vatican II a, lui aussi, indiqué des moyens de rendre l’Eglise davantage fidèle à l’Evangile du Seigneur et à la Tradition apostolique.

La constitution dogmatique sur la révélation divine

Le Concile nous invite à ne pas confondre la Tradition vivante de l’Eglise, Tradition apostolique, avec les traditions ecclésiastiques[11]. La Tradition apostolique et l’Ecriture sont inséparables et forment l’unique dépôt sacré de la parole de Dieu, confié à l’Eglise. Dieu parle à son peuple et à tous les hommes par la Sainte Ecriture et la Sainte Tradition. De la même manière que la hiérarchie est au service du peuple de Dieu, le magistère, chargé d’interpréter l’Ecriture, est au service de la Parole de Dieu. La Tradition vivante de l’Eglise approfondit sans cesse la révélation divine donnée une fois pour toutes. Le but de la Tradition est de permettre à l’Eglise tout entière de se laisser posséder par la vérité. L’Eglise ne possède pas la vérité, elle la reçoit de celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie[12], elle ne cesse de vouloir la servir d’abord par l’exemple et le témoignage de sa vie, ensuite par son enseignement. N’étant pas au-dessus de la Parole de Dieu, elle tend constamment vers la plénitude de la divine vérité. Le but du magistère est de proposer aux fidèles à partir de l’Ecriture les vérités salutaires qui s’y trouvent consignées de par la volonté de Dieu. Dei Verbum a voulu redonner à la Sainte Ecriture toute sa place et son importance dans la vie de l’Eglise : c’est la Sainte Ecriture qui doit être l’âme de la catéchèse, de la théologie et de la prédication. L’Evangile quadriforme constitue le fondement même de toute la foi chrétienne. C’est donc aux Evangiles qu’il faut sans cesse revenir et se référer pour que l’Eglise soit de plus en plus fidèle à la volonté de son fondateur : Jésus, Parole vivante du Père, lui qui a porté à son achèvement et à sa perfection la révélation divine. L’Eglise avant de transmettre la Parole de Dieu l’écoute avec vénération. Vatican II a désiré que le cœur de l’Eglise en chacun de ses membres, clercs, religieux et laïcs, batte au rythme de l’Evangile. C’est l’une des conditions indispensables du renouveau de la vie de l’Eglise en notre temps.

Constitution sur la sainte liturgie

Les pères conciliaires ont défini la liturgie comme l’œuvre commune du Christ prêtre et de son corps, l’Eglise. Par les actions liturgiques l’Eglise, toujours unie au Christ, glorifie Dieu et sanctifie les hommes. La liturgie est le sommet et la source de la vie de l’Eglise. La liturgie de l’Eglise a une signification missionnaire car elle manifeste au monde la foi chrétienne et le visage de la communauté des disciples du Christ, communauté à la fois fraternelle et hiérarchique. Au centre de la réforme liturgique le Concile a placé la notion de participation active des fidèles à la liturgie. De la même manière que les laïcs ont leur responsabilité propre dans le peuple de Dieu, ainsi les laïcs ne sont pas des spectateurs passifs et muets de la liturgie mais bien des acteurs de cette même liturgie. C’est toujours la dignité des laïcs, en raison du sacrement de baptême, qui exige que dans l’apostolat ils ne soient pas de simples exécutants de la hiérarchie et que dans la liturgie ils aient leur place à tenir. Nous voyons de quelle manière le Concile a redonné aux laïcs leur place dans l’Eglise après une longue période de cléricalisme[13]. C’est la nature même de la liturgie chrétienne (et non pas une concession du clergé) qui exige que tous les membres du corps du Christ y participent selon leur vocation propre qu’ils soient clercs ou laïcs. A propos de la participation active des fidèles il faut prendre garde à ne pas la concevoir uniquement comme extérieure (ce que font les laïcs). Cette participation est à la fois extérieure et intérieure, d’où l’importance, par exemple, de temps de silence au cours de la célébration eucharistique. Le silence sacré, prévu par la réforme liturgique, doit permettre au prêtre comme aux laïcs d’intérioriser de manière personnelle ce qu’ils célèbrent ensemble dans l’eucharistie. C’est dans ce contexte de participation active des fidèles que le Concile a ouvert la possibilité de célébrer les sacrements dans la langue du pays et non plus seulement en latin. La réforme liturgique a aussi eu pour but une simplification des rites : ils seront révisés de telle manière qu’ils soient plus compréhensibles (clarté du signe), simples et brefs[14]. Toujours dans la perspective de permettre à tous les fidèles de s’associer pleinement à l’action liturgique. Cette noble simplicité de la liturgie rénovée n’a rien à voir avec une banalisation du mystère sacré. Enfin la réforme de l’année liturgique a remis en honneur la place première du dimanche et des fêtes du Seigneur, ainsi que l’importance des temps liturgiques, en particulier le Carême. Les célébrations en l’honneur de la Vierge Marie et des saints ont leur place légitime mais toujours subordonnée au temps liturgique. Ce que dit Sacrosanctum Concilium à propos du sens du dimanche, comme jour de fête primordial et fondement et noyau de toute l’année liturgique, est d’une grande actualité. Dans un contexte de société où le repos du dimanche, déjà attaqué par une législation de dérogations, est de plus en plus menacé, l’Eglise de notre temps a un effort considérable à faire pour redonner aux fidèles le sens du dimanche et à la société une autre perspective que celle de la consommation sept jours sur sept.

La constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps

Etant donné le but essentiellement pastoral de Vatican II, il est évident que Gaudium et Spes est un document particulièrement important. Un document que nous devons toujours comprendre en ayant à l’esprit l’enseignement de Lumen Gentium. A la suite du pape Paul VI et de son encyclique Ecclesiam suam, les pères conciliaires ont caractérisé le rapport de l’Eglise avec le monde comme un dialogue avec l’ensemble de la famille humaine. La constitution pastorale présente d’une manière admirable la vision chrétienne de l’homme et de sa vocation, donc une anthropologie chrétienne, au croisement de la pensée philosophique et théologique. L’Eglise, servante de l’humanité, affirme solennellement la dignité de la personne humaine et l’égalité fondamentale qui existe entre tous les hommes en tant que créatures de Dieu. Indissociablement fidèle à Dieu et à l’homme, le Concile propose l’humanisme chrétien comme un moyen d’humanisation et de progrès authentique pour la société. Il met en garde le monde contemporain quant aux dangers d’un humanisme athée. Seul l’Evangile du Christ est à même de promouvoir la dignité de la personne humaine en lui indiquant son origine divine et la noblesse de sa vocation : la communion avec Dieu. Il se dégage donc de cette constitution une vision globale et cohérente du respect de la personne humaine qu’il est urgent de retrouver de nos jours. Certaines affirmations de Gaudium et Spes présentent la vérité de l’humanisme chrétien d’une manière fulgurante :

-          « L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a » (35).

-          « L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (24,3).

-          « La loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour » (38,1).

-          « Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même plus homme » (41,1).

Le Concile reconnaît la juste autonomie des réalités terrestres. Il n’y a pas d’opposition entre la foi chrétienne et l’engagement au service de la justice sociale, comme il n’y a aucune opposition entre la foi chrétienne et la pratique scientifique véritable. Reconnaissant des erreurs de comportement dans le passé de la part de certains de ses membres, l’Eglise se présente comme le ferment et l’âme de la société humaine. Confrontée à l’indifférence religieuse de masse, elle demande à chaque catholique le témoignage d’une foi adulte. Aujourd’hui plus encore qu’à l’époque du Concile, les catholiques doivent prendre au sérieux l’exigence d’une adhésion de plus en plus personnelle et active à la foi.

En 1996 les évêques de France ont écrit une longue Lettre aux catholiques de France, lettre ayant pour titre Proposer la foi dans la société actuelle. Il serait intéressant de faire une étude comparée entre ce document et les constitutions du Concile, en particulier Lumen Gentium et Gaudium et Spes. Dans le cadre de cette conclusion je me contenterai d’affirmer la grande fidélité des évêques de France aux intuitions fondamentales du Concile Vatican II. Et c’est la raison pour laquelle je leur laisserai le mot de la fin :

-          « Nous refusons toute nostalgie pour des époques passées où le principe d’autorité semblait s’imposer de façon indiscutable. Nous ne rêvons pas d’un impossible retour à ce que l’on appelait la chrétienté. C’est dans le contexte de la société actuelle que nous entendons mettre en œuvre la force de proposition et d’interpellation de l’Evangile, sans oublier que l’Evangile est susceptible de contester l’ordre du monde et de la société, quand cet ordre tend à devenir inhumain[15] ».

-          « On se rend compte que les jeunes générations ne peuvent se contenter d’endosser passivement un héritage. L’exigence d’une appropriation personnelle (de la foi) est devenue impérative[16] ».

-          « A cause de cette Révélation de Dieu en l’homme Jésus, nous avons aussi à apprendre qu’entre Dieu et l’homme il ne s’agit jamais d’un rapport de forces, mais d’un rapport de libertés et, en dernière instance, d’une relation de confiance et d’amour[17]. »

-          « Aussi bien du point de vue de la doctrine que du point de vue de l’éthique, le caractère propre de la foi chrétienne est de refuser toute séparation entre la cause de Dieu et celle des hommes[18] ».

-          « Nous devons refuser tous les systèmes manichéens qui conçoivent la création et l’histoire humaine comme le résultat d’un conflit entre des forces du bien et des forces du mal, et qui proposent à leurs adeptes d’échapper à ce conflit en se rangeant du côté des forces du bien et en se prétendant indemnes de tout mal. Il est même indispensable de démasquer, s’il le faut, cette tentation manichéenne, dans telle ou telle façon de concevoir la vie chrétienne et l’Eglise[19] ».

 

[1] Jean Guitton, Dialogues avec Paul VI, Fayard, 1967, p.261.
[2] Jean Guitton, Dialogues avec Paul VI, Fayard, 1967, p.261. 262.
[3] Matthieu 23, 8-10.
[4] Matthieu 20, 25-28.
[5] Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, 2005, n°185-188.
[6] Le Synode, comme institution issue du Concile, a été qualifiée de « semence inaperçue » par le pape Paul VI. Jean Guitton, Dialogues avec Paul VI, Fayard, 1967, p.269. Cf. aussi Christus Dominus 5, 37 et 38.
[7] Le pape Jean-Paul II était ouvert à l’idée d’un exercice du ministère d’unité de l’évêque de Rome pouvant prendre une forme nouvelle : « J'écoute la requête qui m'est adressée de trouver une forme d'exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l'essentiel de sa mission » (Ut unum sint 95).
[8] La participation est aussi un principe de la doctrine sociale de l’Eglise. Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, 2005, n°189-191. Cf. aussi Gaudium et Spes 62,7 : « Bien plus, il faut souhaiter que de nombreux laïcs reçoivent une formation suffisante dans les sciences sacrées, et que plusieurs parmi eux se livrent à ces études ex professo et les approfondissent. Mais, pour qu’ils puissent mener leur tâche à bien, qu’on reconnaisse aux fidèles, aux clercs comme aux laïcs, une juste liberté de recherche et de pensée, comme une juste liberté de faire connaître humblement et courageusement leur manière de voir, dans le domaine de leur compétence », et Christus Dominus 10.17.
Document Episcopat n°18 / année 1974 : Tous responsables dans l’Eglise.
[9] Cf. L’encyclique Ut unum sint du pape Jean-Paul II : « Lorsque l'Eglise catholique affirme que la fonction de l'Evêque de Rome répond à la volonté du Christ, elle ne sépare pas cette fonction de la mission confiée à l'ensemble des Evêques, eux aussi « vicaires et légats du Christ ». L'Evêque de Rome appartient à leur « collège » et ils sont ses frères dans le ministère » (n°95). La liberté d’action et de parole de Paul par rapport à Pierre ne doit pas être oubliée dans la manière concrète d’exercer le service de la communion dans l’Eglise (cf. Galates 1,17 ; 2,6 et surtout 2,11) : « Lorsque Képhas est venu à Antioche, je lui ai résisté en face parce qu’il était dans son tort ».
[10] Maurilio Guasco montre l’évolution de la pensée de la hiérarchie à propos des Concordats qui accordaient des privilèges à l’Eglise catholique :  Les Pères conciliaires « semblaient prendre une certaine distance par rapport aux régimes concordataires qui avaient marqué les dernières décennies, affirmant que l’Eglise était prête à renoncer à l’exercice de certains droits, qui avaient pu être jadis justifiés » (Jean-Robert Armogathe (sous la direction de), Histoire générale du christianisme, volume 2 ; PUF, 2010 ; p.1085). L’Eglise « ne place pas son espoir dans les privilèges offerts par le pouvoir civil » (Gaudium et Spes 76,5).
[11] Marc 7, 8.13.
[12] Jean 14, 6.
[13] Gaudium et Spes 62,7.
[14] Matthieu 6, 7.
[15] Les Evêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, 1996, p.20.21.
[16] Les Evêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, 1996, p.37.
[17] Les Evêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, 1996, p.45.
[18] Les Evêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, 1996, p.45. Cf. aussi p.55 et 84.
[19] Les Evêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, 1996, p.59.


Le saint pape Jean-Paul II et le concile



Chapitre VI

Jean-Paul II et le Concile Vatican II

Le futur pape Jean-Paul II a participé au Concile en tant qu’évêque de Cracovie.

LETTRE APOSTOLIQUE TERTIO MILLENNIO ADVENIENTE DU 10/XI/1994

Du pape Jean-Paul II sur la préparation du jubilé de l’an 2000

18. De ce point de vue, on peut affirmer que le Concile Vatican II constitue un événement providentiel par lequel l'Église a commencé la préparation immédiate du Jubilé du deuxième millénaire. Il s'agit en effet d'un Concile semblable aux précédents, et pourtant très différent; un Concile centré sur le mystère du Christ et de son Église, et en même temps ouvert au monde. Cette ouverture a été la réponse évangélique à l'évolution récente du monde, avec les bouleversements qu'a connus le XXe siècle éprouvé par une première puis une deuxième guerre mondiale, par l'expérience des camps de concentration et d'effroyables massacres. Tout ce qui est arrivé montre plus que jamais que le monde a besoin de purification, qu'il a besoin de conversion.

On dit souvent que le Concile Vatican II marque une époque nouvelle dans la vie de l'Église. C'est vrai, mais en même temps il est difficile de ne pas remarquer que l'Assemblée conciliaire a eu largement recours aux expériences et aux réflexions de la période antérieure, spécialement du patrimoine de pensée de Pie XII. Dans l'histoire de l'Église, le « vieux » et le « neuf » sont toujours étroitement mêlés. Le « neuf » croît sur le « vieux », le « vieux » trouve dans le « neuf » une expression plus accomplie. Ainsi en a-t-il été pour le Concile Vatican II et pour l'activité des Papes liés à l'Assemblée conciliaire, à commencer par Jean XXIII, puis Paul VI et Jean-Paul Ier, et enfin le Pape actuel.

Il est certain que ce qu'ils ont accompli pendant et après le Concile — l'enseignement aussi bien que l'activité de chacun d'eux — a apporté une contribution marquante à la préparation du nouveau printemps de vie chrétienne qui devra être révélé par le grand Jubilé si les chrétiens savent suivre l'action de l'Esprit Saint.

19. Sans aller jusqu'aux accents sévères de Jean Baptiste quand, au bord du Jourdain, il invitait à la pénitence et à la conversion (cf. Lc 3, 1-17), le Concile a manifesté en lui-même quelque chose de l'ancien prophète en désignant avec une nouvelle vigueur aux hommes d'aujourd'hui le Christ, « l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29), le Rédempteur de l'homme, le Seigneur de l'histoire. Au Concile, l'Église, dans le désir d'être pleinement fidèle à son Maître, s'est interrogée sur son identité et a redécouvert la profondeur de son mystère de Corps et d'Épouse du Christ. Se mettant attentivement à l'écoute de la Parole de Dieu, elle a réaffirmé la vocation universelle à la sainteté; elle a entrepris la réforme de la liturgie, « source et sommet » de sa vie; elle a donné l'impulsion au renouvellement de nombreux aspects de son existence au niveau universel et dans les Églises locales; elle s'est impliquée dans la promotion des diverses vocations chrétiennes, de celle des laïcs à celle des religieux, du ministère des diacres à celui des prêtres et des évêques; elle a redécouvert en particulier la collégialité épiscopale, expression privilégiée du service pastoral exercé par les évêques en communion avec le Successeur de Pierre. Dans le cadre de ce profond renouveau, le Concile s'est ouvert aux chrétiens des autres Confessions, aux membres des autres religions, à tous les hommes de notre temps. Dans aucun autre Concile on n'a parlé avec autant de clarté de l'unité des chrétiens, du dialogue avec les religions non chrétiennes, du sens spécifique de l'Ancienne Alliance et d'Israël, de la dignité de la conscience personnelle, du principe de la liberté religieuse, des différentes traditions culturelles au sein desquelles l'Église accomplit sa tâche missionnaire, des moyens de communication sociale.

20. Une grande richesse de contenu et le ton nouveau, inconnu jusqu'alors, avec lequel les questions ont été présentées par le Concile constituent comme une annonce de temps nouveaux. Les Pères conciliaires ont parlé le langage de l'Évangile, le langage du Discours sur la montagne et des Béatitudes. Dans le message du Concile, Dieu est présent dans sa seigneurie absolue sur toutes choses, mais aussi comme garant de l'authentique autonomie des réalités temporelles.

La meilleure préparation de l'échéance bimillénaire ne pourra donc que s'exprimer par un engagement renouvelé d'appliquer, autant que possible fidèlement, l'enseignement de Vatican II à la vie de chacun et de toute l'Église. Avec le Concile a été comme inaugurée la préparation immédiate du grand Jubilé de l'An 2000, au sens le plus large du terme. Si nous cherchons quelque chose d'analogue dans la liturgie, on pourrait dire que la liturgie de l'Avent qui revient chaque année est la plus proche de l'esprit du Concile. En effet, l'Avent nous prépare à la rencontre de Celui qui était, qui est et qui vient constamment (cf. Ap 4, 8).

21. Sur le chemin de la préparation du rendez- vous de l'An 2000 s'inscrit la série de Synodes commencée après le Concile Vatican II: Synodes généraux et Synodes continentaux, régionaux, nationaux et diocésains. Le thème fondamental est celui de l'évangélisation, et même de la nouvelle évangélisation, dont les bases ont été posées par l'exhortation apostolique Evangelii nuntiandi de Paul VI, publiée en 1975 après la troisième Assemblée générale du Synode des Évêques. Ces Synodes font déjà par eux-mêmes partie de la nouvelle évangélisation: ils résultent de la conception du Concile Vatican II sur l'Église; ils donnent une grande place à la participation des laïcs, dont ils déterminent la responsabilité spécifique dans l'Église; ils sont l'expression de la force que le Christ a donnée à tout le peuple de Dieu, le rendant participant de sa mission messianique, mission prophétique, sacerdotale et royale. Le deuxième chapitre de la constitution dogmatique Lumen gentium contient des affirmations très claires à ce sujet. La préparation du Jubilé de l'An 2000 s'effectue ainsi, aux niveaux universel et local, dans toute l'Église, animée par une conscience nouvelle de la mission salvatrice reçue du Christ. Cette prise de conscience se manifeste avec une particulière évidence dans les exhortations post-synodales consacrées à la mission des laïcs, à la formation des prêtres, à la catéchèse, à la famille, à la valeur de la pénitence et de la réconciliation dans la vie de l'Église et de l'humanité, et prochainement à la vie consacrée.

LETTRE APOSTOLIQUE NOVO MILLENNIO INEUNTE

Du pape Jean-Paul II au terme du grand jubilé de l’an 2000

Dans la lumière du Concile

57. Chers frères et sœurs, quelles richesses le Concile Vatican II ne nous a-t-il pas données dans ses orientations! C'est pourquoi, en préparation au grand Jubilé, j'avais demandé que l'Église s'interroge sur la réception du Concile.44 Cela a-t-il été fait? Le Congrès qui a eu lieu au Vatican a été un moment de cette réflexion, et je souhaite qu'il en ait été de même, d'une manière ou d'une autre, dans toutes les Églises particulières. À mesure que passent les années, ces textes ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu'ils soient lus de manière appropriée, qu'ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l'intérieur de la Tradition de l'Église. Alors que le Jubilé est achevé, je sens plus que jamais le devoir d'indiquer le Concile comme la grande grâce dont l'Église a bénéficié au vingtième siècle: il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence.

Dans son enseignement (encycliques et exhortations apostoliques en particulier) et son ministère le pape Jean-Paul II s’est très souvent inspiré des textes conciliaires. Le magistère de ce pape constitue une actualisation permanente des grandes orientations de Vatican II pour la vie de l’Eglise. Il est donc important de les connaître.

Encycliques de Jean-Paul II

4 mars 1979 ; Redemptor hominis (Le Rédempteur de l'homme), sur Jésus-Christ
30 novembre 1980 ; Dives in misericordia (Dieu riche en miséricorde), sur Dieu le Père
14 septembre 1981 ; Laborem exercens (En travaillant), sur le travail de l'homme
2 juin 1985 ; Slavorum apostoli (Apôtres des Slaves), sur saints Cyrille et Méthode
8 mai 1986 ; Dominum et vivificantem (Il est Seigneur et il donne la vie), sur l'Esprit Saint
25 mars 1987 ; Redemptoris Mater (Mère du Rédempteur), sur la Vierge Marie
30 décembre 1987 ; Sollicitudo rei socialis (L'intérêt pour les choses sociales), sur les questions sociales
7 décembre 1990 ; Redemptoris missio (La mission du Rédempteur), sur la mission
1er mai 1991 ; Centesimus annus (La centième année) sur les questions sociales          
6 août 1993 ; Veritatis splendor (La splendeur de la vérité), sur la morale catholique
25 mars 1995 ; Evangelium vitae (L'Évangile de la vie), sur la valeur et l'inviolabilité de la vie
25 mai 1995 ; Ut unum sint (Qu'ils soient un), sur l'engagement œcuménique
14 septembre 1998 ; Fides et ratio (La foi et la raison), sur les rapports entre foi et raison
17 avril 2003 ; Ecclesia de Eucharistia (L'Eglise vit de l’Eucharistie), sur l'Eucharistie    

Exhortations apostoliques

Catechesi tradendae (16 octobre 1979) :    
" La transmission de la catéchèse " en notre temps donne les conclusions du Synode ordinaire qui s'était tenu durant le pontificat de Paul VI, du 23 septembre au 29 octobre 1977. Elle reprend " l'héritage de Paul VI et de Jean Paul I ".
Familiaris consortio (22 novembre 1981) :  
Elle s'adresse à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles de toute l'Église catholique et reprend les conclusions du Synode ordinaire qui était tenu à Rome du 26 septembre au 25 octobre 1980 sur " les tâches de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui. "
Redemptionis donum (25 mars 1984) :
Destinée aux religieux et religieuses, elle médite sur leur consécration à la lumière du mystère de la Rédemption. Le pape met ainsi en valeur la place toute particulière que tient " la vie consacrée " dans l'Eglise. Dans le même temps, il demande à tous les instituts de vie religieuse de ne pas vivre repliés sur eux-mêmes, mais de travailler en communion avec l'épiscopat et les Eglises diocésaines pour un plus grand rayonnement de l'Evangile.
Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984) :   
Elle s'adresse à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles. Elle reprend les conclusions du Synode ordinaire qui s'était tenu à Rome du 29 septembre au 29 octobre 1982 sur le thème : " La réconciliation et la pénitence dans la mission de l'Église aujourd'hui et traduites dans le langage des hommes et des femmes de notre temps.
Christi fideles laici (30 décembre 1988) :    
" La vocation des laïcs, fidèles du Christ " est adressée à toute l'Eglise sur le thème : " La vocation et la mission des laïcs dans l'Eglise et dans le monde, vingt ans après le Concile Vatican II ". Elle reprend les conclusions du Synode ordinaire qui s'était tenu à Rome du 1er au 30 octobre 1987.
Redemptoris custos (15 août 1989) :           
" Le gardien du Rédempteur " est adressée à toute l'Église et présente la personnalité et la mission de saint Joseph dans la vie du Christ et de l'Église, Corps Mystique du Christ, dans la société contemporaine où la cellule familiale est menacée.
Pastores dabo vobis (25 mars 1992) :          
" Je vous donnerai des pasteurs " est adressée à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles. Elle a pour thème : "La formation des prêtres dans les circonstances actuelles. " Elle reprend les conclusions du Synode ordinaire qui s'était tenu à Rome du 30 septembre au 28 octobre 1990.
Ecclesia in Africa (14 septembre 1995) :
Elle est adressée aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs. Elle a pour thème " L'Église en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l'an 2000. " et reprend les conclusions du Synode spécial qui s'était tenu à Rome du 10 avril au 8 mai 1994. Elle a été promulguée à Yaoundé, Johannesburg et Nairobi, lors du voyage que fit le Pape en Afrique.
Vita consecrata (25 mars 1996) :     
" La Vie consacrée " est adressée à l'épiscopat et au clergé, aux Ordres et Congrégations de religieux et religieuses, aux Sociétés de vie apostolique, aux Instituts séculiers et à tous les fidèles. " Sur la vie consacrée et sa mission dans l'Église et dans le monde. " Elle reprend les conclusions du Synode ordinaire qui s'était tenu à Rome du 2 au 29 octobre 1994.
Ecclesia in America (22 janvier 1999) :       
Elle est adressée aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs. Elle a pour thème " La rencontre avec le Christ vivant, chemin de conversion, de communion et de solidarité en Amérique. " et reprend les conclusions du Synode spécial qui s'était tenu à Rome du 16 novembre au 12 décembre 1997. Elle concerne tout autant l'Amérique du Nord, l'Amérique Centrale et les Antilles et l'Amérique du Sud. Elle a été promulguée à Mexico le 22 janvier 1999, lors du voyage que fit le Pape avec une étape à Mexico, puis à Saint-Louis, aux USA. 
Ecclesia in Asia (6 novembre 1999) :           
Elle est adressée aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs du continent asiatique. Elle a pour thème " Jésus-Christ le Sauveur et sa mission d'amour et de service en Asie. " et reprend les conclusions du Synode spécial qui s'était tenu à Rome du 19 avril au 14 mai 1998. Elle a été promulguée à New Delhi, lors du voyage apostolique de Jean-Paul II en Inde.
Ecclesia in Oceania (22 novembre 2001) :  
Elle est adressée aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs du continent océanique. Elle a pour thème " Jésus-Christ et les peuples de l'Océanie : suivre son chemin, proclamer sa vérité et vivre sa vie " Le pape Jean-Paul II ne pouvant entreprendre un voyage en Océanie a innové en envoyant le document à tous les évêques et aux communautés chrétiennes par le réseau internet.
Ecclesia in Europa (28 juin 2003) :   
Elle est adressée aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs du continent européen. Elle a pour thème "Jésus-Christ vivant dans son Eglise et source d'espérance pour l'Europe". Les défis de l'avenir pour l'Eglise dans une Europe marquée par son héritage chrétien, où les disciples du Christ doivent lui redonner le sens vital du christianisme par une ré-évangélisation dynamique, le témoignage d'une foi vécue et un dialogue vrai pour marcher ensemble dans l'Espérance.




5. DISCOURS DE CLOTURE DU PAPE PAUL VI



Chapitre V

L’Eglise catholique célèbre en 2012 le 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II par le bienheureux pape Jean XXIII. Cette célébration sera l’occasion pour de nombreux catholiques et non-catholiques de découvrir ou de redécouvrir les textes du Concile. Pour bien comprendre dans quel esprit ces textes ont été promulgués il me semble essentiel de se référer à trois textes non-conciliaires mais étroitement liés au Concile :

1°/ Le discours d’ouverture par Jean XXIII (11 octobre 1962)

2°/ L’encyclique de Paul VI, Ecclesiam suam, publiée en plein Concile le 6 août 1964

3°/ Le discours de clôture de Paul VI (7 décembre 1965)

Il n’y pas de source plus fiable pour connaître l’esprit du Concile que ces trois textes dans lesquels les papes du Concile se sont clairement exprimés quant à ses objectifs et aux fruits qu’ils en attendaient pour l’Eglise et pour le monde.

La numérotation des textes ainsi que les titres ont été ajoutés par souci pratique. Je me limiterai à quelques commentaires  sous la forme de notes de bas de page.

Discours de clôture du concile Vatican II par le pape Paul VI

7 décembre 1965

Introduction (1-4)

1. Aujourd'hui, nous touchons au terme du second Concile œcuménique du Vatican. C'est dans sa pleine vigueur que le Concile arrive à sa conclusion : votre présence en si grand nombre le prouve, la cohésion si ordonnée de cette Assemblée en témoigne, l'achèvement régulier des activités conciliaires le confirme, l'harmonie des sentiments et des propos le proclame.

2. Si bon nombre de questions, soulevées au cours même du Concile attendent encore une réponse adéquate, cela signifie qu'on met fin aux travaux non sous le poids de la fatigue, mais au contraire dans une vitalité que ce rassemblement œcuménique a réveillée et qui, Dieu aidant, dans la période post conciliaire se consacrera activement à ce genre de problèmes, avec méthode et générosité[1].

3. Ce Concile laisse à l'histoire l'image de l'Église catholique que Nous voyons figurée en cette salle où se pressent des pasteurs, professant la même foi, animés de la même charité, tous rassemblés dans la communion de la prière, l'unité de la discipline et de l'action et, chose admirable, tous désireux d'une seule chose: s'offrir eux-mêmes, comme le Christ, notre Maître et Seigneur, pour la vie de l'Église et pour le salut du monde. Et ce n'est pas seulement l'image de l'Église[2] que ce Concile transmet à la postérité, c'est aussi le patrimoine de sa doctrine et de ses préceptes, le «dépôt» reçu du Christ, médité, vécu et explicité au long des siècles[3]. Ce dépôt se trouve aujourd'hui, sur bien des points, placé dans un jour nouveau, confirmé et mis en ordre dans son intégrité[4]. Toujours vivant par la force divine de vérité et de grâce qui le constitue, il est capable de faire vivre quiconque l'accueille avec piété et en nourrit son existence humaine[5].

4. Ce que fut ce Concile, ce qu'il a accompli, ce serait naturellement le sujet de cette méditation que Nous faisons au moment de le terminer, mais elle requerrait trop d'attention et de temps et en ce moment ultime, si émouvant, Nous ne sommes peut-être pas à même de réaliser pareille synthèse avec assez de tranquillité.

La valeur religieuse du Concile (5-8)

5. Nous voulons réserver ces moments précieux à une seule pensée qui tout à la fois nous abaisse dans l'humilité et nous exalte au comble de nos aspirations. Cette pensée, la voici: quelle est la valeur religieuse de notre Concile ?

6. Religieuse, disons-Nous, pour marquer le rapport direct au Dieu vivant, ce rapport qui est la raison d'être de l'Église et de tout ce que l'Église croit, espère et aime, de tout ce qu'elle est, de tout ce qu'elle fait[6].

7. Pouvons-Nous dire que nous avons rendu gloire à Dieu, que nous avons cherché à le connaître et à l'aimer, que nous avons progressé dans l’effort pour le contempler, dans la préoccupation de le louer et dans l'art[7] de proclamer ce qu'il est aux hommes qui nous regardent comme pasteurs et maîtres dans les voies de Dieu ?

8. Nous croyons franchement que oui, notamment parce que c'est de cette intention première et profonde que jaillit l'idée de réunir un Concile[8]. Ils résonnent encore dans cette basilique les mots prononcés lors du discours d'ouverture par Notre vénéré prédécesseur Jean XXIII, que Nous pouvons bien appeler l'auteur de ce grand rassemblement :

« La tâche la plus importante du Concile, disait-il, est de garder et de proposer d'une manière plus efficace le dépôt de la foi chrétienne... Il est bien vrai que le Christ a dit: «Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice», il nous montre par là où doivent tendre surtout nos forces et nos pensées. »

Au projet a succédé la réalisation.

Le temps du Concile, époque de laïcisme et d’oubli de Dieu (9-11)

9. Pour l'apprécier comme il convient, il faut se rendre compte du moment où elle s'est accomplie[9].

10. C'est dans un temps que tous reconnaissent comme orienté vers la conquête du royaume terrestre plutôt que vers le Royaume des cieux[10], un temps où l'oubli de Dieu devient courant et semble, à tort, suggéré par le progrès scientifique, un temps où la personne humaine, qui a pris davantage conscience d'elle-même et de sa liberté, tend essentiellement à s'affirmer dans une autonomie absolue et à s'affranchir de toute loi qui la dépasse.

11. C'est dans un temps où le laïcisme semble découler normalement de la pensée moderne, et représenter la sagesse dernière de l'ordre social temporel, un temps aussi où les expressions de la pensée touchent au comble de l'irrationnel et du désespoir, où l'on peut remarquer enfin, même dans les grandes religions qui se partagent les peuples de la terre, des signes de trouble et de régression comme jamais encore on en avait vus. C'est dans ce temps-là que le Concile s'est tenu, en l'honneur de Dieu, au nom du Christ et sous l'impulsion de l'Esprit-Saint[11]. Cet Esprit « qui pénètre toute chose », qui ne cesse d'animer l'Église «afin de nous faire connaître les dons de Dieu sur nous» (1 Corinthiens 2, 10-12), c'est lui qui donne à l'Église la vision à la fois profonde et totale de la vie et du monde[12]. Grâce au Concile, la manière de concevoir l'homme et l'univers en référence à Dieu comme à leur centre et à leur fin[13] s'est élevée devant l'humanité, sans craindre l'accusation d'être dépassée et étrangère à l'homme. Cette conception, que le jugement du monde qualifiera d'abord de folie, mais qu'il reconnaîtra ensuite, nous l'espérons, comme vraiment humaine, pleine de sagesse et porteuse de salut, prétend que Dieu existe.

Dans un contexte sécularisé, affirmer l’existence de Dieu (12)

12. Oui, qu'il est une réalité, un être vivant et personnel, qu'il exerce une providence, qu'il est infiniment bon, et non seulement en lui-même, mais d'une bonté sans mesure à notre égard également, qu'il est notre créateur, notre vérité, notre bonheur, au point que l'effort de fixer en lui notre regard et notre cœur, dans cette attitude que nous appelons contemplation, devient l'acte le plus élevé et le plus plénier de l'esprit, celui qui aujourd'hui encore peut et doit ordonner l'immense pyramide des activités humaines[14].

L’Eglise au centre de la réflexion du Concile (13-15)

13. On dira que le Concile, plus que des vérités relatives à Dieu, s'est occupé surtout de l'Eglise, de sa nature, de sa structure, de sa vocation œcuménique, de son activité apostolique et missionnaire. Cette société religieuse séculaire qu'est l'Eglise s'est efforcée de réfléchir sur elle-même pour mieux se connaître, pour mieux se définir et pour régler en conséquence ses sentiments et ses préceptes. C'est vrai[15]. Mais cette introspection n'a pas été une fin pour elle-même, elle n'a pas été un acte de simple sagesse humaine, de seule culture terrestre.

14. L’Église s'est recueillie dans l'intimité de sa conscience spirituelle, non pas pour se complaire dans de savantes analyses de psychologie religieuse ou d'histoire de ses expériences, ni non plus pour s'appliquer à réaffirmer ses droits[16] et à décrire ses lois.

L'Église s'est recueillie pour retrouver en elle-même la Parole du Christ, vivante et opérante dans l'Esprit-Saint[17], pour scruter plus à fond le mystère, c'est-à-dire le dessein et la présence de Dieu au-dessus et au-dedans de soi[18], et pour raviver en soi cette foi, qui est le secret de sa sécurité[19] et de la sagesse, et cet amour qui l'oblige à chanter sans cesse les louanges de Dieu: « Chanter est le propre de celui qui aime », dit saint Augustin (Serm. 336, P. L, 38, 1472).

15. Les documents conciliaires, principalement ceux qui traitent de la Révélation divine, de la liturgie, de l’Église, des prêtres, des religieux, des laïcs, laissent clairement transparaître cette intention religieuse, directe et primordiale, et montrent combien limpide, fraîche et riche est la vie spirituelle que le contact vital avec le Dieu vivant fait jaillir dans le sein de l'Église et, de l'Église, se répandre sur le sol aride de notre terre[20].

L’Eglise dans son rapport au monde : la règle de la charité (16-17)

16. Mais Nous ne pouvons négliger une observation capitale dans l'examen du sens religieux de notre Concile: il s'est très vivement intéressé à l'étude du monde moderne. Jamais peut-être comme en cette occasion[21], l'Église n'a éprouvé le besoin de connaître, d'approcher, de comprendre, de pénétrer, de servir, d'évangéliser la société qui l'entoure, de la saisir et pour ainsi dire de la poursuivre dans ses rapides et continuelles transformations[22].

17. Cette attitude, provoquée par l'éloignement et les ruptures qui séparèrent l'Église de la civilisation profane au cours des siècles derniers, surtout au XIXe et en notre siècle[23], et toujours inspirée par la mission de salut qui est essentielle à l'Église, a fortement et constamment fait sentir son influence dans le Concile : au point de faire naître chez certains le soupçon qu'un excès de tolérance et de considération pour le monde extérieur, l'actualité qui passe, les modes en matière de culture, les besoins contingents, la pensée des autres, aient prévalu chez certains membres du Concile et dans certains de ses actes, au détriment de la fidélité due à la tradition[24] et aux finalités de l'orientation religieuse du Concile lui-même. Pour Notre part, Nous n'estimons pas qu'on puisse taxer de pareille déviation ce Concile, en ce qui concerne ses véritables et profondes intentions et ses manifestations authentiques[25].

Nous voulons plutôt souligner que la règle de notre Concile a été avant tout la charité[26]. Et qui pourrait accuser le Concile de manquer d'esprit religieux et de fidélité à l'Evangile pour avoir choisi cette orientation de base, si l'on se rappelle que c'est le Christ lui-même qui nous a appris à regarder l'amour pour nos frères comme le signe distinctif de ses disciples (cf. Jean 13, 35), et si on laisse résonner dans son cœur les paroles de l'apôtre: "La religion pure et sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci : visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves, se garder de toute souillure du monde » (Jacques l, 27) ou encore celles-ci: « Qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment pourrait-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? » (1 Jean, 4, 20).

Le défi de l’humanisme laïque et profane (18-20)

18. L’Église du Concile, il est vrai, ne s'est pas contentée de réfléchir sur sa propre nature et sur les rapports qui l'unissent à Dieu : elle s'est aussi beaucoup occupée de l'homme, de l'homme tel qu'en réalité il se présente à notre époque[27] : l'homme vivant, l'homme tout entier occupé de soi, l'homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l'intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité. Tout l'homme phénoménal, comme on dit de nos jours, c'est-à-dire avec le revêtement de ses innombrables apparences, s'est comme dressé devant l'Assemblée des Pères conciliaires, des hommes, eux aussi, tous pasteurs et frères, attentifs donc et aimants : l'homme tragique victime de ses propres drames, l'homme qui, hier[28] et aujourd'hui, cherche à se mettre au-dessus des autres, et qui, à cause de cela, est toujours fragile et faux, égoïste et féroce; puis l'homme insatisfait de soi, qui rit et qui pleure; l'homme versatile, prêt à jouer n'importe quel rôle, et l'homme raide qui ne croit qu'à la seule réalité scientifique; l'homme tel qu'il est, qui pense, qui aime, qui travaille, qui attend toujours quelque chose, «l'enfant qui grandit» (Genèse, 49, 22), et l'homme sacré par l'innocence de son enfance, le mystère de sa pauvreté, par sa douleur pitoyable ; l'homme individualiste et l'homme social ; l'homme, « qui loue le temps passé[29] » et l'homme qui rêve à l'avenir ; l'homme pécheur et l'homme saint.; et ainsi de suite.

19. L'humanisme laïque et profane[30] enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile.

20. La religion du Dieu qui s'est fait homme s'est rencontrée avec la religion (car c'en est une) de l'homme qui se fait Dieu[31].

Comment le Concile a répondu à ce défi (21-22)

21. Qu'est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n'a pas eu lieu[32]. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l'a envahi tout entier. La découverte des besoins humains (et ils sont d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand) a absorbé l'attention de notre Synode.

22. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque[33], nous avons le culte de l'homme[34].

L’attitude optimiste du Concile (23-24)

23. Et dans l'humanité, qu'a donc considéré cet auguste Sénat, qui s'est mis à l'étudier sous la lumière de la divinité ? Il a considéré une fois encore l'éternel double visage de l'homme : sa misère et sa grandeur[35], son mal profond, indéniable, de soi inguérissable[36], et ce qu'il garde de bien[37], toujours marqué de beauté cachée et de souveraineté invincible. Mais il faut reconnaître que ce Concile, dans le jugement qu'il a porté sur l'homme, s'est arrêté bien plus à cet aspect heureux de l'homme qu'à son aspect malheureux. Son attitude a été nettement et volontairement optimiste.

24. Un courant d'affection et d'admiration a débordé du Concile sur le monde humain moderne[38]. Des erreurs[39] ont été dénoncées. Oui, parce que c'est l'exigence de la charité comme de la vérité mais, à l'adresse des personnes, il n'y eut que rappel, respect et amour[40]. Au lieu de diagnostics déprimants, des remèdes encourageants ; au lieu de présages funestes, des messages de confiance sont partis du Concile vers le monde contemporain : ses valeurs ont été non seulement respectées, mais honorées ; ses efforts soutenus, ses aspirations purifiées et bénies[41].

Le Concile : un enseignement autorisé sur la condition humaine (25)

25. Voyez, par exemple : les langues innombrables parlées par les peuples d’aujourd’hui ont été admises à exprimer liturgiquement la parole des hommes à Dieu et la parole de Dieu aux hommes[42] ; à l’homme comme tel, on a reconnu la vocation fondamentale à une plénitude de droits et à une transcendance de destin[43] ; ses aspirations à l’existence, à la dignité de la personne, à la liberté honnête, à la culture, au renouvellement de l’ordre social, à la justice, à la paix, ont été rendues à leur pureté et encouragées ; et à tous les hommes a été adressée l’invitation pastorale et missionnaire à la lumière évangélique. C’est trop brièvement que Nous parlons maintenant des multiples et très vastes questions concernant le bien-être humain, dont le Concile s’est occupé ; et il n’a pas entendu résoudre tous les problèmes urgents de la vie moderne ; certains d’entre eux ont été réservés à une étude ultérieure que l’Eglise se propose de faire, beaucoup ont été présentés en termes très brefs et généraux, susceptibles par conséquent d’approfondissements ultérieurs et d’applications diverses[44].

Mais il est bon de noter ici une chose : le magistère de l’Eglise, bien qu’il n’ait pas voulu se prononcer sous forme de sentences dogmatiques extraordinaires, a étendu son enseignement autorisé[45] à une quantité de questions qui engagent aujourd’hui la conscience et l’activité de l’homme ; il en est venu, pour ainsi dire, à dialoguer[46] avec lui ; et tout en conservant toujours l’autorité et la force qui lui sont propres, il a pris la voix familière et amie de la charité pastorale[47], il a désiré se faire écouter et comprendre de tous les hommes ; il ne s’est pas seulement adressé à l’intelligence spéculative, mais il a cherché à s’exprimer aussi dans le style de la conversation ordinaire. En faisant appel à l’expérience vécue, en utilisant les ressources du sentiment et du cœur[48], en donnant à la parole plus d’attrait, de vivacité et de force persuasive, il a parlé à l’homme d’aujourd’hui, tel qu’il est[49].
 

L’Eglise servante de l’humanité (26)

26. Il est encore un autre point que Nous devrions relever : toute cette richesse doctrinale ne vise qu'à une chose : servir l'homme. Il s'agit, bien entendu, de tout homme, quels que soient sa condition, sa misère et ses besoins. L’Église s'est pour ainsi dire proclamée la servante de l'humanité[50] juste au moment où son magistère ecclésiastique et son gouvernement pastoral ont, en raison de la solennité du Concile, revêtu une plus grande splendeur et une plus grande force: l'idée de service a occupé une place centrale dans le Concile.

En se tournant vers l’homme l’Eglise est fidèle à sa mission (27-28)

27. Tout cela, et tout ce que Nous pourrions encore dire sur la valeur humaine du Concile, a-t-il peut-être fait dévier la pensée de l'Eglise en Concile vers les positions anthropocentriques prises par la culture moderne[51] ?

28. Non, l'Église n'a pas dévié, mais elle s'est tournée vers l'homme. Et celui qui considère avec attention cet intérêt prépondérant porté par le Concile aux valeurs humaines et temporelles ne peut nier d'une part que le motif de cet intérêt se trouve dans le caractère pastoral que le Concile a voulu et dont il a fait en quelque sorte son programme et, d'autre part, il devra reconnaître que cette préoccupation elle-même n'est jamais dissociée des préoccupations religieuses les plus authentiques, qu’il s'agisse de la charité qui seule suscite ces préoccupations (et là où se trouve la charité là se trouve Dieu), ou du lien - constamment affirmé et mis en valeur par le Concile[52] - existant entre les valeurs humaines et temporelles et les valeurs proprement spirituelles, religieuses et éternelles. L'Église se penche sur l'homme et sur la terre, mais c'est vers le royaume de Dieu que son élan la porte.

La religion catholique au service du bien de l’homme : vie de l’humanité (29-30)

29. La mentalité moderne, habituée à juger toutes choses d'après leur valeur, c'est-à-dire leur utilité, voudra bien admettre que la valeur du Concile est grande au moins pour ce motif : tout y a été orienté à l'utilité de l'homme. Qu'on ne déclare donc jamais inutile une religion comme la religion catholique qui, dans sa forme la plus consciente et la plus efficace, comme est celle du Concile, proclame qu'elle est tout entière au service du bien de l'homme. La religion catholique et la vie humaine réaffirment ainsi leur alliance, leur convergence vers une seule réalité humaine : la religion catholique est pour l'humanité ; en un certain sens, elle est la vie de l'humanité. Elle est la vie, par l'explication que notre religion donne de l'homme ; la seule explication, en fin de compte, exacte et sublime. (L'homme laissé à lui-même n'est-il pas un mystère à ses propres yeux ?).

30. Elle donne cette explication précisément en vertu de sa science de Dieu : pour connaître l'homme, l'homme vrai, l'homme tout entier, il faut connaître Dieu[53]. Qu'il Nous suffise pour le moment de citer à l'appui de cette affirmation le mot brûlant de sainte Catherine de Sienne: "C'est dans ta nature, ô Dieu éternel, que je connaîtrai ma propre nature.» (Or. 24.) La religion catholique est la vie, parce qu'elle décrit la nature et la destinée de la vie; elle donne à celle-ci son véritable sens. Elle est la vie, parce qu'elle constitue la loi suprême de la vie et qu'elle infuse à la vie cette énergie mystérieuse qui la rend, Nous pouvons dire, divine.

Le Concile enseigne l’humanisme chrétien (31-33)

31. Mais, vénérables Frères et vous tous, Nos chers fils ici présents, si nous nous rappelons qu'à travers le visage de tout homme - spécialement lorsque les larmes et les souffrances l'ont rendu plus transparent - Nous pouvons et devons reconnaître le visage du Christ (cf. Matthieu 25, 40), le Fils de l'homme, et si sur le visage du Christ nous pouvons et devons reconnaître le visage du Père céleste : «Qui me voit, dit Jésus, voit aussi le Père» (Jean, 14, 9), notre humanisme devient christianisme, et notre christianisme se fait théocentrique, si bien que nous pouvons également affirmer : pour connaître Dieu, il faut connaître l'homme[54].

32. Mais alors, ce Concile, dont les travaux et les préoccupations ont été consacrés principalement à l'homme, ne serait-il pas destiné à ouvrir une nouvelle fois au monde moderne les voies d'une ascension vers la liberté et le vrai bonheur? Ne donnerait-il pas, en fin de compte, un enseignement simple, neuf et solennel pour apprendre à aimer l'homme afin d'aimer Dieu ?[55]

33. Aimer l'homme, disons-Nous, non pas comme un simple moyen[56], mais comme un premier terme dans la montée vers le terme suprême et transcendant, vers le principe et la cause de tout amour. Et alors, le Concile tout entier se résume finalement dans cette conclusion religieuse: il n'est pas autre chose qu'un appel amical et pressant qui convie l'humanité à retrouver, par la voie de l'amour fraternel, ce Dieu dont on a pu dire[57]: « S'éloigner de lui, c'est périr; se tourner vers lui, c'est ressusciter; demeurer en lui, c'est être inébranlable; retourner à lui, c'est renaître; habiter en lui, c'est vivre. » (Saint Augustin, Solil. l, 1,3; P. L., 32, 870.)

Conclusion (34)

34. Voilà ce que Nous espérons au terme de ce second Concile œcuménique du Vatican et au début de l'entreprise de renouvellement humain et religieux qu'il s'était proposé d'étudier et de promouvoir; voilà ce que Nous espérons pour nous-mêmes, vénérables Frères et Pères de ce même Concile; voilà ce que nous espérons pour l'humanité tout entière qu'ici nous avons appris à aimer davantage et à mieux servir[58].

Et tandis que, dans ce but, Nous invoquons encore l'intercession des saints Jean-Baptiste et Joseph, patrons de ce Synode œcuménique, des saints apôtres Pierre et Paul, fondements et colonnes de la Sainte Église, auxquels Nous associons saint Ambroise, l’évêque dont Nous célébrons aujourd'hui la fête, unissant en lui de quelque façon l'Église d'Orient et celle d'Occident, Nous implorons également et de tout cœur la protection de la Très Sainte Vierge Marie, mère du Christ, et que pour cela Nous appelons aussi Mère de l’Église[59], et d'une seule voix, d'un seul cœur, nous rendons grâce et gloire au Dieu vivant et véritable, au Dieu unique et souverain, au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Amen.

 

Un texte de Maurice Zundel[60] sur le Concile

Le cénacle de Genève, 6 février 1966

« Vatican II est achevé, ses décrets sont en train d’être publiés : ils nous laissent une impression d’ambiguïté. Ils représentent certainement un immense progrès, surtout sur le plan des relations humaines, ce qui est énorme. Il y a certainement sur le plan psychologique un effort d’ouverture, de désappropriation absolument inattendu, disons : miraculeux. Cela est gagné, cela est acquis, les changements sont visibles. Il suffit de mentionner Taizé qui est un immense carrefour où toutes les Eglises se rencontrent, Taizé qui était présente à Rome. Il suffit de penser à cette levée d’excommunication entre Rome et Constantinople. Il suffit de penser à cette fraternité entre tous ceux qui étaient présents, qu’ils fussent de l’Eglise romaine ou non. Il suffit de sentir ici-même, en Suisse romande, le changement de climat, la fraternité qui s’est installée, le fait qu’on va les uns dans les églises des autres, qu’un pasteur prêche dans une église catholique et un prêtre dans une église protestante. Tout cela est absolument neuf et magnifique. Il reste cependant que la question fondamentale n’a pas été posée, ni sur le plan de l’Eglise romaine si sur le plan d’aucune autre Eglise : de quel Dieu parlons-nous ? Est-ce que nous parlons toujours du Roi des rois ? Du Pantocrator ? Du dominateur ? Du Souverain des souverains ? Ou parlons-nous du Dieu pauvre ? Du Dieu désapproprié ? Est-ce que le christianisme, pour nous, c’est la présence de Jésus-Christ ? Est-ce que le christianisme est une philosophie, une vision du monde, un système de pensée, une politique, une sociologie ? Ou bien est-ce qu’il est, tout simplement, Jésus-Christ ? Est-ce que le christianisme est une Présence ? Est-ce que le christianisme est cette présence de Jésus en nous ? Est-ce que le christianisme est, justement, cette désappropriation divine installée, établie, enracinée en nous et vécue par nous ? Tout le problème est là. Et l’ambiguïté de Vatican II- comme d’ailleurs de tout l’œcuménisme, avec tout ce qu’il comporte de positif, de générosité, de dépouillement dans l’ordre psychologique-, ce qui fait l’ambiguïté de toutes ces situations, c’est qu’on n’a pas encore avoué le Dieu chrétien. On est encore tiraillé entre un Dieu hérité de l’Antiquité, entre un Dieu du Vieux Testament, entre un Dieu constantinien et pharaonique, entre un Dieu médiéval ligoté par une philosophie, entre un Dieu-patron, entre un Dieu paternaliste, et ce Dieu qui est dans la vision paulinienne de la seconde aux Corinthiens – et de la première déjà dans le fameux 13e chapitre-, un Dieu nuptial, un Dieu qui contracte avec nous un mariage d’amour, un Dieu qui ne veut plus être situé dans une catégorie de maître et de pouvoir, mais qui ne peut être conçu que dans une catégorie de personne et d’amour[61]  ».


[1] Ce sera précisément le rôle des Synodes des évêques d’actualiser l’enseignement du Concile, de le développer et de le compléter en fonction des besoins de l’Eglise et du monde. Par le motu proprio Apostolica sollicitudo Paul VI institue le synode des évêques le 15 septembre 1965. Depuis le Concile il y a eu 13 synodes ordinaires. La première assemblée générale ordinaire du synode des évêques s’est déroulée du 29 septembre au 29 octobre 1967 avec pour thème : “Préservation et renforcement de la foi catholique, son intégrité, sa vigueur, son expansion, sa cohésion doctrinale et historique”.
[2] Le mystère de l’Eglise a été l’un des thèmes majeurs du Concile (Lumen Gentium).
[3] Belle définition de la Tradition catholique.
[4] Cela répond à l’une des préoccupations essentielles de Jean XXIII. Cf. Son discours d’ouverture du Concile (= DOC) par. 29.
[5] La doctrine catholique n’a pas sa fin en elle-même, elle est une doctrine de salut, un chemin de vie pour les hommes.
[6] L’Eglise non plus n’a pas sa fin en elle-même : son unique raison d’être est de permettre aux âmes de vivre une relation authentique avec Dieu. Sa mission est donc essentiellement spirituelle. Elle est essentiellement au service de la communion des hommes avec le Dieu vivant et vrai.
[7] L’activité pastorale et évangélisatrice de l’Eglise est comparée à un art.
[8] Le Concile est d’abord une assemblée de croyants, une assemblée spirituelle. Il n’est pas comparable à l’ONU !
[9] Comme tout Concile, le Concile Vatican II s’est tenu à une époque particulière de l’histoire de l’humanité et de l’Eglise. Ne pas tenir compte de ces circonstances concrètes nous empêcherait d’en comprendre les motivations et la portée. Le Concile de Trente, par exemple, doit être interprété à la lumière des circonstances historiques qui ont provoqué sa convocation : le schisme d’Occident. Il est avant tout une réponse catholique à la réforme protestante. Le dogme, expression humaine des vérités divinement révélés, a lui aussi son histoire. Cf. L’œuvre du philosophe Maurice Blondel : Histoire et dogme, les lacunes philosophiques de l'exégèse moderne, 1904.
[10] Constat déjà établi par Jean XXIII : DOC, par. 24.
[11] Formule trinitaire souvent présente d’une manière ou d’une autre dans les textes du Concile. Par exemple les n°2-4 de Lumen Gentium et les n°2-4 du décret Ad Gentes.
[12] C’est un regard spirituel et non sociologique que le Concile a porté sur la condition humaine telle qu’elle se présentait en son temps.
[13] Reprise d’un thème des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, comme Jean XXIII l’avait déjà fait (cf. DOC, par.21.).
[14] La vocation ultime de l’homme consiste à contempler Dieu. Et c’est en fonction de ce bien suprême, la communion avec Dieu, que toutes les valeurs terrestres doivent être perçues et évaluées.
[15] Paul VI lui-même avait amorcé ce travail ecclésiologique avant même la fin du Concile dans son encyclique Ecclesiam Suam (la première partie est consacrée à la conscience que l’Eglise a d’elle-même). Cela nous permet aussi de considérer la constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium, comme le texte le plus fondamental du Concile. C’est à la lumière de cette réflexion sur l’Eglise que les autres textes du Concile doivent être lus et compris.
[16] Affirmation importante dans une perspective de l’histoire du Magistère. En effet beaucoup de textes pontificaux du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle ont été des rappels solennels des « droits de l’Eglise ».
[17] C’est un autre grand thème du Concile : le ressourcement dans la Parole de Dieu à la lumière de toute la Tradition de l’Eglise (cf. Dei Verbum). Le Concile s’est présenté comme un salutaire retour aux sources de la foi.
[18] Transcendance et immanence du Dieu de la révélation chrétienne. Pour reprendre une belle expression de Maurice Zundel, Dieu est «un au-delà au-dedans ».
[19] Il est intéressant de relever que pour Paul VI l’Eglise n’a pas d’autre sécurité que sa foi et sa confiance en Dieu.
[20] Le vocabulaire (« vie », « vital », « vivant ») insiste sur l’Eglise comme mystère de vie spirituelle.
[21] C’est en effet la nouveauté du Concile Vatican II en raison de son caractère pastoral. On y perçoit un changement de ton évident par rapport aux déclarations précédentes du Magistère.
[22] C’est la nécessité de l’aggiornamento perçue par Jean XXIII.
[23] Paul VI prend acte de manière sereine des évolutions historiques qui ont contraint l’Eglise à sortir de la chrétienté pour entrer dans une nouvelle forme de présence historique à notre monde.
[24] Première allusion à la contestation par certains au sein du Concile de ce que l’on appellera plus tard « l’ouverture de l’Eglise au monde ». Le schisme intégriste était en germe dès la fin du Concile.
[25] Réponse claire du pape à la minorité qui, lors des débats conciliaires, réprouva la nouvelle manière que l’Eglise avait de se situer par rapport au monde profane.
[26] Affirmation très importante pour comprendre l’esprit du Concile.
[27] Réalisme de la vision conciliaire : non pas l’homme tel que l’Eglise aimerait qu’il soit, mais l’homme tel qu’il est. Ce réalisme est le point de départ nécessaire pour tout apostolat catholique. C’est le réalisme du pasteur qui a charge d’âmes.
[28] Cet humanisme sans Dieu n’est pas né en 1965 ! Il plonge ses racines très loin dans l’histoire. En effet le bel humanisme chrétien de  l’époque de la Renaissance n’a pas résisté à la mise en doute radicale des valeurs religieuses à l’époque des Lumières, aux nouvelles questions posées par les découvertes scientifiques (l’affaire Galilée en est un exemple frappant, cf. Gaudium et Spes n°36, par. 2) et à la chute partout en Europe des monarchies chrétiennes.
[29] Combien de catholiques français se retrouveront dans cette situation après le Concile… Cf. Jean XXIII, DOC, par. 15 (Les prophètes de malheur).
[30] Dès 1944 le cardinal de Lubac (expert du Concile) avait écrit l’une de ses œuvres majeures : Le drame de l’humanisme athée.
[31] Puissante et belle formule.
[32] L’orientation donnée par Jean XXIII lors de l’ouverture du Concile a été suivie. Cf. Jean XXIII, DOC, par. 31.
[33] Parce que nous croyons en Dieu et dans le mystère de l’incarnation.
[34] Formule hardie s’adressant aux « humanistes modernes ». Ce « culte de l’homme » de la part du Concile sera explicité plus loin dans le discours, il s’agit d’établir un nouvel humanisme chrétien (Erasme au 16ème siècle, époque de troubles religieux, avait, lui aussi, prôné un humanisme chrétien).
[35] Langage s’inspirant de l’anthropologie chrétienne de Blaise Pascal.
[36] Le péché originel et ses conséquences, doctrine qui tient une grande place dans l’anthropologie de Pascal.
[37] L’optimisme catholique en contraste avec une certaine vision protestante du péché originel.
[38] On dirait aujourd’hui qu’en raison de la charité chrétienne les Pères du Concile ont choisi de considérer avec bienveillance le monde tel qu’il est afin de faire résonner en lui toute la nouveauté de la parole évangélique.
[39] Cf. Jean XXIII, DOC, par. 3.
[40] Ce respect des personnes et de tout homme est une marque constante de la pastorale de l’Eglise catholique depuis le Concile. Mais tous les saints et les mystiques ont vécu cette attitude depuis les origines du christianisme. Pensons, par exemple, à un saint François d’Assise.
[41] L’Eglise a ainsi abandonné l’attitude de condamnation systématique du monde en tant qu’indépendant de sa sphère d’influence directe. Elle sait désormais y reconnaître ce qui est bon, juste et vrai. Elle préfère mettre en valeur les bonnes aspirations qui se trouvent chez les hommes de bonne volonté plutôt que de relever les erreurs.
[42] L’autorisation de célébrer le culte divin dans la langue du pays sans pour autant abandonner le latin a été l’une des réformes conciliaires qui a le plus marqué les esprits de par son aspect concret, mais aussi celle qui a suscité la plus vive opposition de la part du mouvement intégriste. Cf. Sacrosanctum Concilium, n°36, par.2.
[43] Cf. Gaudium et Spes, n°12-18 et la déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis Humanae.
[44] Ce sera la tache des Synodes des évêques et du Magistère pontifical, en particulier celui du bienheureux Jean-Paul II qui, en s’appuyant sur la philosophie personnaliste, a admirablement exposé, développé et approfondi l’humanisme chrétien issu du Concile Vatican II.
[45] Paul VI répond ainsi à l’avance à l’argument fallacieux des intégristes qui rejettent le Concile en raison de son orientation pastorale. Dans l’Eglise la pastorale s’est toujours appuyée sur des convictions dogmatiques. Elle est la mise en pratique du dogme appliquée aux circonstances changeantes de l’histoire de l’humanité et à chaque homme en particulier dans la situation unique qui est la sienne.
[46] Le pape reprend ici l’une de ses convictions essentielles exprimée dès 1964 dans Ecclesiam Suam.
[47] Nouvelle insistance sur la charité comme étant l’âme de ce Concile pastoral.
[48] Réalité essentielle dans l’apologétique de Pascal.
[49] Ce magnifique passage montre le souci constant qu’ont eu les Pères conciliaires de rendre la doctrine savoureuse et vivante et de montrer en quoi elle est une force capable de changer la vie des hommes de ce temps. Par le passé un certain dogmatisme était tellement déconnecté de la vie réelle des hommes qu’il en était devenu desséchant. Le souffle apporté à l’Eglise par la redécouverte des Pères de l’Eglise et le renouveau des études bibliques (Ecole biblique de Jérusalem fondée par le père Lagrange en 1890) a été l’une des conditions préalables qui a permis au Concile de présenter la doctrine autrement qu’à travers la seule théologie néo-scolastique, exacte du point de vue de l’orthodoxie mais trop conceptuelle pour inspirer une spiritualité vivante au cœur de ce monde. Un auteur spirituel comme Maurice Zundel (1897-1975) n’avait pas attendu le Concile pour proposer une théologie spirituelle et une catéchèse qui parle au cœur de l’homme. A l’instar d’autres grands théologiens du 20ème siècle (De Lubac, Congar) l’œuvre de Zundel ne sera reconnue que très tardivement par la hiérarchie de l’Eglise même si Paul VI l’appréciait personnellement bien avant de devenir pape. C’est en 1972 que l’abbé Zundel sera invité par Paul VI à prêcher la retraite spirituelle au Vatican.
[50] Le Concile marque en effet le passage d’une Eglise triomphaliste et très hiérarchisée à une Eglise davantage fidèle aux valeurs évangéliques. La notion de service est remise en honneur. Jean-Paul II, dans sa première encyclique Redemptor Hominis (04/03/1979), se situera résolument dans la continuité de l’enseignement du Concile et de son prédécesseur Paul VI : « Cet homme est la route de l'Eglise, route qui se déploie, d'une certaine façon, à la base de toutes les routes que l'Eglise doit emprunter, parce que l'homme, tout homme sans aucune exception, a été racheté par le Christ, parce que le Christ est en quelque sorte uni à l'homme, à chaque homme sans aucune exception, même si ce dernier n'en est pas conscient: «Le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l'homme» à tout homme et à tous les hommes «... lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation» (n°14) .
[51] Le pape lui-même exprime une nouvelle objection faite à l’esprit du Concile.
[52] Particulièrement dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes n° 38 et 39.
[53] Le Concile avait même précisé que pour connaître l’homme il faut connaître le Christ car « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné » (Gaudium et Spes n°22, par. 1). Le n°22 de Gaudium et Spes constituera une référence constante dans le magistère du bienheureux Jean-Paul II. C’est dire l’importance qu’il faut accorder à ce texte et à la vision chrétienne de l’homme qui en découle.
[54] C’est la logique du mystère de l’incarnation. C’est aussi ce que l’on appelle en philosophie la voie anthropologique pour parvenir à la connaissance de Dieu par distinction avec la voie ontologique et la voie cosmologique.
[55] Sous forme de questions le pape semble indiquer l’un des fruits du Concile : l’insistance sur la vertu de charité comme témoignage suprême de la foi en Dieu.
[56] Cf. La morale de Kant : « L'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ses actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin. […] L'impératif sera donc celui ci : Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » (Fondements de la Métaphysique des moeurs, Deuxième section). La différence avec Kant consiste en l’affirmation de Dieu comme seule fin ultime et absolue.
[57] L’esprit du Concile tout entier peut se résumer dans la charité pastorale et il est lui-même une invitation à parcourir la voie du service et de l’amour de l’homme et de tout homme pour pressentir le mystère de Dieu. C’est donc d’abord dans l’expérience de la charité vécue que l’homme peut trouver la présence de Dieu.
[58] Le Concile a été vécu comme une école spirituelle du service et de l’amour de l’homme dans la lumière surnaturelle qui vient de la foi en Dieu.
[59] C’est bien dans le mystère de l’Eglise que le Concile a voulu situer la place de la Vierge Marie dans la vie chrétienne. En témoigne le chapitre VIII de Lumen Gentium : « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Eglise ». D’où ce titre de « Mère de l’Eglise » que le pape donne à Marie.
[60] Ce prêtre suisse (1897-1975) était très estimé du pape Paul VI qui fit appel à lui pour prêcher les Exercices spirituels du Vatican en février 1972. Le contenu de cette prédication a été publié sous le titre Quel homme et quel Dieu, retraite au Vatican, Fayard, 1976.
[61] Maurice Zundel, ses pierres de fondation, Anne Sigier, 2005, p. 251-253.